congélation des ovules: les Français en —–flagrant délit de contradiction
Grâce à une étude EUGIN/ODOXA* sur la perception du time freeze par les Français (time freeze : conserver certaines facultés du corps intactes grâce à la congélation) on constate une tendance à la contradiction bien spécifique à notre pays. Les Français opposent une réserve manifeste à la vitrification des ovocytes pour des raisons sociétales (une femme fait congeler ses propres ovules jeunes pour se donner le plus de chances possible d’être enceinte plus tard, au moment choisi). Ces mêmes Français reconnaissent pourtant le bien-fondé de cette pratique. Du coup, leur contradiction ne renvoie-t-elle pas à la complexité de leur attitude vis-à-vis des femmes qui font un choix de non maternité ?
Pourquoi congeler ses ovules ?
Pour garder intacte longtemps la possibilité de procréer. Il s’agit d’une vitrification, c’est-à-dire du passage très rapide de quelques ovocytes à moins 196°. Ce procédé permet à une femme de récupérer ses propres ovocytes quand elle estime le moment venu de faire un enfant au cours de sa carrière; ou surtout, cas le plus fréquent, quand elle rencontrera l’homme qui sera un père pour ses enfants. Quelquefois l’événement survient un peu tard dans sa vie féconde. En effet, le taux de fécondité diminue rapidement avec l’âge. Peu de femmes le savent. Entre 20 et 24 ans la probabilité d’être enceinte est de 88% ; entre 35 et 39 ans: 52%. Si bien qu’à partir de 35 ans une femme sur 6 qui décide d’avoir un enfant, rencontre des difficultés.
Le processus de time freeze est peu contraignant : 15 à 20 jours entre 2 visites dans une clinique à l’étranger avec en France stimulation ovarienne puis de nouveau à l’étranger aspiration des ovocytes mûrs et vitrification. Voici acquise l’assurance de retrouver plus tard ses propres gamètes jeunes, en parfait état.
Pourquoi les Français sont-ils hostiles à la congélation des ovules?
Curieusement, les Français sont au courant de la procédure (72 % des Français, dont 81% des femmes). Les Français, des gens informés, donc ; mais hostiles à la possibilité d’un time freeze en France (60%). Pourquoi ? Lisons l’étude :
« Est cité en tête le risque de sélection des embryons (37%), suivie de l’exploitation commerciale de la misère des femmes, (24%) à quasi égalité avec un procédé jugé contre nature ( 23%). Sont également évoqués, mais de façon marginale, le fait que cela conforterait l’idée que la maternité nuirait à la carrière (11%) ou parce que cela serait contraire à sa religion (5%)»
Cependant la tranche des 30-45 ans, plus proches des personnes concernées, est plus favorable (45% des femmes et 49% des hommes). Les femmes, encore plus traditionnelles que les hommes ?
L’encadrement législatif de la conservation des embryons empêche leur sélection pour des raisons autres que médicales. Par contre, l’avancée de la science ne peut être entravée. Par ailleurs, en quoi le don d’ovocytes exploiterait-il la misère de certaines femmes ? Dans une demande de PMA avec implantation des ovocytes d’une donneuse, il s’agit souvent de bénéficier du geste de femmes généreuses qui ont connu dans leur entourage des personnes en difficulté pour être enceintes. La donneuse reçoit aussi une petite compensation qui n’est en rien à la hauteur d’une vente.
Le souhait de vouloir conserver sa propre possibilité de procréation ne devrait-il pas apparaître comme hautement moral ? Entreprise sans doute plus déontologique que celle de la chirurgie esthétique. Conserver une apparente jeunesse et faire ce que l’on veut sur son corps est pourtant monnaie courante en France, pratique indispensable à toute personne médiatisée. Ensuite : ce qui nuit à la carrière ne se fonde-t-il pas sur l’absence de vrai partage des tâches familiales dans un couple ? Enfin, qui n’a recours à la contraception pour réguler les naissances ? Il s’agit bien de contrecarrer la nature. Même de nombreux catholiques désobéissent aux injonctions de l’Eglise.
Les Français comprennent les femmes transfuges
Venons-en à la contradiction soulignée par l’étude : les Français disent aussi, en même temps que leur réticence, comprendre les femmes allant à l’étranger pour faire congeler leurs ovocytes (54%). Pas méchants, les Français. Si elles veulent, eh bien qu’elles aillent voir ailleurs car je n’y suis pas, ailleurs, et donc je ne vois pas ce qu’elles font. Complice, moi ? Jamais.
Pourquoi une telle contradiction face à la congélation d’ovules ?
Les Français sont pour une part, traditionnels. Cependant, pas plus que n’importe quelle nation d’Europe. Mais, l’Histoire les marque comme auteurs d’un acte extraordinaire qui a porté les idées françaises tout autour de la terre; ils ont commis la Révolution. Voici alors ma propre interprétation. Régicides après avoir proclamé liberté, égalité et fraternité, les Français garderaient au fond d’eux, comme porté par un sentiment de culpabilité, le besoin de restaurer, de réparer la mise à mort de la royauté. Ils alimenteraient ainsi l’idée que les changements de mentalité ne sont pas forcément entièrement bons et qu’il faut tant bien que mal maintenir un certain barrage contre les idées novatrices capables de mettre en péril l’ordre établi. Renverser l’ordre établi fut sanglant et peut-être n’en sont-ils pas encore tout à fait revenus.
La contradiction des Français continue avec le choix de non maternité
Devant une femme disant qu’elle ne veut pas avoir d’enfant, les Français proclament tous révolu le temps où l’on bridait les femmes. Non, ce n’est pas eux qui iraient contester aux femmes le droit de choisir leur vie. Pourtant, ils montrent le fond de leur pensée : les femmes qui ne se veulent pas mères, selon eux, rateraient une part de leur vie. Comme ils ne peuvent plus le proférer à haute voix faute de passer pour attardés sociaux, ils l’expriment d’une autre façon : en déclarant qu’elles sont libres, en effet, mais déprimées. En faisant encore des associations d’idée avec des femmes infanticides. Et toujours, en leur demandant systématiquement de se justifier.
Allons, Enfants de la Patriii-ie, le jour de voir, est arrivé !
Les femmes sont libres. Si vous voulez tordre le cou à quelque chose, ne vous gênez pas, la culpabilité est là, tapie derrière les massifs ordonnés des jardins à la française.
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**Enquête auprès de 1001 Français de 18 ans et plus, par internet, entre le 5 et 6 novembre 2015
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