Horloge biologique : 40 ans
Lettre ouverte aux femmes proches des 40 ans, non mères sans l’avoir vraiment voulu
Te voici à surveiller d’un œil inquiet ton horloge biologique. Au début, tu ne pensais pas ou presque pas, à la maternité. Un potentiel en toi. La vie professionnelle d’abord. Mais voici que tu cesses de mettre en avant cet argument. Tu te ranges à l’évidence : pas trouvé l’homme pour être père. Et tu n’as pas envie de ‘’faire ça’’ à un enfant, lui offrir une vie sans père.
Vers 35 ans, tu ne t’es pas résolue à congeler tes ovocytes en prévision d’un plus tard, d’un peut-être. Tu ne savais pas que c’était possible. Ou au contraire, tu le savais et tu as même pensé à une PMA, à l’étranger.
Mais tu ne t’es pas posé la question de savoir si au fond, d’un enfant tu avais vraiment envie, ou bien plutôt si tu ne visais pas, dans l’enfant, la garantie d’un amour inconditionnel.
Ecouter sa propre histoire plutôt que l’horloge biologique
D’abord une chose, essentielle : Si l’horloge biologique marque une difficulté évidente à être féconde vers 40 ans, les aiguilles ne vont pas au-delà de ce qu’elles mesurent. Aucune limite d’âge pour le bonheur. L’horloge biologique n’a pas compétence à donner quelque autre son de cloche que l’âge. Et quand il n’est plus temps de faire un enfant, il est toujours temps d’être heureuse.
D’ailleurs, tu ne te sens pas malheureuse, mais inquiète. Alors, deuxième chose : ce doute qui t’assaille au seuil de l’âge infécond, rien que de plus normal. Impossible à une femme qui n’a pas pris la décision de ne pas être mère, de traverser la frontière de l’âge fertile d’un pas serein.
La pression qui voudrait nous faire croire qu’une femme ne peut se réaliser sans enfant pèse, à ce croisement du chemin, plus lourd que jamais. Or, il faut que tu le saches : quel que soit ton choix, tu seras plus tranquille une fois franchie la frontière des 40 ans. Toutes les femmes non mères, l’âge dépassé, le disent. Certaines ont choisi de ne pas être mères et s’en trouvent pleinement heureuses ; d’autres concluent avec nostalgie, ‘’ la vie a choisi pour moi’’. L’essentiel, elles le comprennent après coup, découvrir vers où leur histoire les appelait.
Justement, troisième chose, plutôt que de contempler l’horloge biologique, il s’agit de se mettre à l’écoute de sa propre histoire. Entendre l’écho des déterminismes auxquels nous n’échappons pas, en particulier ceux portés par le trajet familial et générationnel, mais aussi par notre appartenance économique, culturelle, génétique… On ne peut avancer qu’en acceptant ses limites en même temps que ses aspirations.
Reconnaître aussi que la pensée courante de nos jours : ‘’si on veut, on peut’’, se fonde sur une illusion. Il est irréaliste de se caler sur un idéal d’ailleurs toujours fourni sur le plateau des idées reçues par la pensée collective. Seul point d’appui solide pour tous nos projets : qui on est vraiment, succès, échecs et trouble compris. Et seule source d’inspiration le jour du bilan, les moments où nous avons été heureux. Le sentiment que toutes les parts de nous-mêmes étaient convoquées en même temps. Quand nous avons eu l’impression de participer tout entier à quelque chose qui nous dépassait. Comme par exemple dans la contemplation esthétique, avec une rencontre amoureuse ou face à un succès au-delà de nos espérances.
Les deux voies du bonheur palpable
A ma connaissance – feras-tu le même constat ? – le bonheur palpable passe par deux voies : l’une, la quête du paradis perdu ; l’autre la conquête d’un désir.
Qu’est-ce que le paradis perdu ? Le sentiment de ne faire qu’un avec son entourage, son milieu, ou l’autre. Ce vécu, chacun l’éprouve d’abord avec sa mère au cours des premiers temps du développement, ce plus d’amour inconditionnel dont on garde la nostalgie. C’est ainsi que des femmes qui ont choisi de n’être pas mères construisent un couple fusionnel, ou bien elles se réalisent à travers une recherche intellectuelle, spirituelle, artistique qui les habite entièrement, ou bien encore certaines vivent en pleine communion avec la nature. Se rapprocher du paradis perdu comme elles savent le faire élargit l’intériorité personnelle. D’évidence, les jeunes mères se rapprochent naturellement du paradis perdu. Avec leur nouveau-né, elles forment un paradis qui finira pas s’éloigner avec l’autonomie de l’enfant. Désirer le retour à l’harmonie primordiale mènera loin.
Deuxième voie pour être heureux, la conquête de ce que l’on désire. Sentir son existence se densifier autour d’un désir. Lutter pour obtenir ce que l’on a pas, jouir de cette tension : tous nous l’avons vécu dans notre enfance la première fois en désirant faire du parent de sexe différent au notre un objet d’amour, le parent du même sexe étant rival. Toutes les combinaisons du désir se mirent alors en place, faisant le lit à de nombreux possibles ultérieurs.
Animées de l’esprit de conquête révélé à ce stade du développement, des femmes qui choisissent de ne pas être mères trouvent leur bonheur en se donnant toute à l’action (telles les business women) et à leur indépendance (telles les femmes éprises de leur liberté de mouvement). Elles nouent des échanges avec le monde extérieur qui leur procurent le sentiment de se déployer, de s’augmenter elles-mêmes.
Les mères vivent cela aussi à travers leur enfant. A le voir grandir dans un monde à conquérir pas à pas, elles grandissent aussi. Lutter pour son désir mènera loin.
Le talent plutôt que l’idéal
Une femme qui n’a pas d’enfant ne va pas orienter son énergie vitale vers d’autres finalités que les mères. La quête d’harmonie, la conquête pour ce que l’on désire sont des finalités pour toutes, mais à travers d’autres modes d’accès que la maternité.
Selon moi, tu as raison : nul ne peut être profondément heureux s’il ne noue des liens forts avec un autre dans un couple ou dans l’amitié, ou encore dans un groupe.
Une façon de mettre en place un inconditionnel d’amour qui pourtant varie, c’est la vie, il faut l’accepter. Mais tout bonheur n’est pas lié à l’enfant. La preuve. Des études montrent que les couples sans enfant se disent plus heureux que bien des parents. Par exemple, L’étude Enduring love, ‘’ L’amour qui dure’’, publié par l’Open University de Londres en 2006.
Assuré de sa part d’amour inconditionnel, on peut partir à la découverte de son propre talent. Le plus grand et le plus difficile étant sans doute de dire ‘’oui’’ au présent, de se sentir exister à plein à travers ce que l’on éprouve et ce que l’on fait plutôt que de remettre le bonheur à plus tard.
Nul ne peut dire à ta place si ton talent le plus beau c’est la maternité. Beaucoup ne se posent pas la question et y vont d’évidence. Mais il existe d’autres voies pour se déployer. Et sans faire de mal à personne. Surtout, sache que si tu n’en passes pas par la maternité, tu as un talent qui t’attend, être toi-même, te donner naissance à toi-même. Et là, tu as plus de temps que tu ne croyais pour t’y mettre. Un certain 3 août, quelqu’un m’a offert un porte clé acheté à Londres sur lequel était gravé : life begins at fourty’’. Il avait bien raison, ce porte clé !
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