Mandela, le pardon envers les Afrikanders

Les féministes, le pardon envers les hommes

La révolution en Afrique du Sud, fondée sur le pardon, a quelque chose à voir avec le mouvement féministe. Les femmes ne doivent-elles pas s’interroger de la même façon que les natifs d’Afrique du Sud, sur l’usage du pardon ?

 abolition de l’apartheid

Nelson Mandela vient de mourir le 5 décembre 2013. L’humanité lui doit l’abolition de l’apartheid, terrible ségrégation appliquée par une minorité d’origine européenne, les Afrikanders, contre la nombreuse population africaine, native d’Afrique du Sud, les Bantous.

Les Bantous ont connu l’humiliation, la violence, l’injustice, et la domination économique de la part des colons qui se prévalaient d’une honteuse supériorité de race.

Il s’agit d’une révolution politique et aussi morale, car Nelson Mandela a fondé son action sur le pardon. Acte symbolique, au moment de la coupe du monde de rugby il a soutenu l’équipe nationale composée seulement d’Afrikanders, amenant la population native à accepter qu’ils représentent le pays. Pour aller plus loin, amenant les Africains à aimer ceux qu’ils avaient haï.

 Le pardon envers les Afrikanders

Je ne peux m’empêcher de faire le lien avec l’histoire des femmes. Elles ont connu l’humiliation avec la privation de liberté ; la violence car tous les trois jours, en France, meurt une femme à la suite de violence conjugale ; elles sont encore moins payées à travail égal et occupent souvent des postes subalternes ; elles essuient la misogynie dans les actes, le langage au quotidien, les plaisanteries.

Les femmes et les Bantous

La différence avec les Africains : alors qu’en Afrique du Sud les Bantous étaient parqués dans des Bantoustans, sorte de ghettos, la domination masculine offrait des avantages secondaires pour les femmes – protection, célébration de leur beauté, reconnaissance pour les soins donnés aux enfants, valorisation de leur abnégation – toutes choses qui ne s’échangeaient pas en Afrique du Sud entre les populations séparées.
Les femmes, d’abord en Occident, ont pris conscience de leur appartenance à un ‘’deuxième sexe’’, mineur, dévalorisé par rapport à celui des hommes. Elles ont provoqué une révolution des mentalités depuis l’utilisation de la pilule contraceptive, leur prise de parole et leur volonté d’être actrices de leur vie.
Une femme aujourd’hui pourrait reprendre les paroles de N. Mandela pour expliquer son cheminement, il suffirait de retirer dans la phrase : milliers.
« Je n’ai pas connu d’instant exceptionnel, pas de révélation, pas de moment de vérité, mais l’accumulation régulière de milliers d’affronts, de milliers d’humiliations, a créé en moi une colère, un esprit de révolte, le désir de combattre le système qui emprisonnait mon peuple… Je me suis simplement trouvé en train de le faire sans pouvoir m’en empêcher. » *

Les hommes, faut-il leur pardonner ?

Pour le pardon, il faut que l’autre demande pardon et donne des preuves de son changement. Les hommes n’ont pas demandé pardon, ils n’en ont que faire, mais ils ont changé, plus ou moins de force. Certains qui se sont fait quitter n’ont pas eu envie de recommencer dans un nouveau couple l’expérience de la domination. D’autres ont compris tout de suite, car il ne leur est pas interdit d’être intelligents.
D’autres ont suivi, par amour, le mouvement de leur compagne. Et certains n’ont pas changé du tout. Il ne faut pas leur pardonner.
Rester vigilantes et en premier, détenir la maîtrise économique de sa vie.
Alors, on pourra pardonner, pour que vive la vraie vie et que chaque être humain trouve sa place à soi, singulière, en face de l’autre.
____________
*Merigaut. B., le colosse de la paix, in Télérama n°3335, Paris, 11/12/13, p. 28