Media : Ni enfant, ni regret – Libération
témoignages et scepticisme
L’article de Libé du 24 mars 2014 relance avec pertinence la question du non désir d’enfant. Les deux journalistes Marie-Joëlle Gros et Catherine Mallaval ont identifié dans les raisons de ces choix, les mêmes que je repère dans mon livre »Pas d’enfant pour Athéna‘‘.
Or, si les témoignages de femmes qui expriment leur choix de non maternité sont généralement bien accueillis – on est tolérant, n’est-ce pas ? et maintenant il n’est plus question de contester aux femmes la liberté de choisir leur vie – au delà de l’accueil immédiat, on n’en pense pas moins. On sent bien que la société suppose malgré tout ceci : celles qui tournent le dos à la maternité garderaient en elles un désir d’enfant barré, synonyme de frustration. Les arguments sont de type psychologique : elles seraient passées à côté de quelque chose au cours de leur développement. Et implicitement, on suppose qu’elles ne sauraient être heureuses.
Pas d’enfant, un projet de vie.
Sur quoi se fonde le bonheur, pour tout le monde ? Sur deux désirs différents : premier désir, renouer avec le paradis perdu (nous gardons tous cette nostalgie des premiers temps de la vie, la sensation éprouvée lors de la grande proximité avec le corps maternel) ; et deuxième désir, dépasser ses limites, s’augmenter soi-même en éprouvant ses forces, ce qui ajoute un plus de vie à l’existence. En luttant pour obtenir ce que l’on souhaite, chacun acquiert un sentiment accru d’intensité de vie.
C’est ainsi que certaines femmes qui tournent le dos à la maternité veulent ne faire qu’un avec ce qu’elles aiment (les grandes amoureuses, les femmes en communion avec la nature, ou encore celles qui se passionnent pour une recherche, spirituelle ou autre). Plutôt que de placer leur paradis dans un enfant, elles habitent leur propre paradis.
D’autres femmes se dépassent à travers l’action, les business women, d’abord, qui vont sur le champ de bataille de l’entreprise. Quelques unes luttent encore d’une autre façon : par le refus de maternité, elles protestent contre la violence d’un monde qu’elles ne veulent pas prolonger, autre forme d’engagement. Plutôt que de s’augmenter à travers la joie d’avoir un enfant, plus indépendantes, elles s’augmentent elles-mêmes de leur joie à exister.
Les femmes qui choisissent la non maternité, quête du paradis perdu ou besoin de se dépasser, vont au bout de toutes les formes possibles de recherche du bonheur. Et elles réussissent, y consacrent toute leur énergie.
Pas d’enfant et construction de soi.
Elles n’éprouvent pas de désir d’enfant, ou si peu. Or, que sait-on de la formation du désir d’enfant ? Il se forge à deux âges différents.
A 2 ans, tout enfant éprouve la nostalgie du paradis perdu et il souhaite retrouver cet Eden en faisant lui-même un enfant : il voudrait être à son tour, celui qui prodigue des soins. La nostalgie qu’éprouve plus tard un adulte tire son origine de ce moment-là. La plupart des femmes deviennent mères pour tenter de retrouver ces moments perdus. Et d’autres femmes qui ne se veulent pas mères, découvrent un autre paradis pour elles, un lieu où ne faire qu’un avec sa passion.
On sait encore qu’à 4 ans une fillette souhaite obtenir un enfant de la part de son père, sa mère étant rivale. Elle a envie de dépasser ses propres limites. Là s’origine le besoin de lutter pour obtenir ce que l’on veut. La plupart des femmes obtiendront un enfant. Mais certaines n’en auront pas l’envie. Déjà à l’école primaire, quelques-unes en sont conscientes. Si leur bonheur à se sentir exister passe par l’action, le monde leur est offert.
On voit bien que pour ces femmes, l’énergie contenue dans le désir d’enfant s’est orientée autrement, du côté du paradis perdu, du côté des limites à dépasser, pour soi. Toute l’énergie. Aucune frustration, à moins que la société n’essaye de les persuader du contraire.
Rejoignez-moi sur :