Prostitution : l’affranchir ? l’abolir ?

Vue du balcon de la philosophie ou rencontrée  sur le trottoir,  la prostitution n’est pas du tout la même chose.

Tout le monde veut éradiquer les maquereaux.

Il est inique que des femmes (ou des hommes)  soient esclavagisées comme prostituées, à la merci des proxénètes, quelquefois droguées pour les maintenir sur le trottoir, maltraitées, violentées. Ceux qui veulent l’abolition et ceux qui militent pour le maintien et la reconnaissance de ce métier à la condition qu’il soit exercé dans un libre consentement, s’accordent sur ce point :

maquereaux

 

il faut lutter de toutes nos forces sociales et morales contre le proxénétisme, insuportable survivance d’un fait archaïque, la domination masculine. Dans ce cas, la domination va jusqu’à s’approprier du corps des femmes pour tirer bénéfice d’un commerce sexuel pratiqué sous la contrainte.

Pas pour toutes, cependant : certaines disent oeuvrer dans ce métier librement. Par ailleurs, il arrive que des femmes mariées  soient forcées à une pratique sexuelle dont elles n’ont pas envie. Et que certaines jeunes femmes se prostituent dans le mariage pour bénéficier d’une cage dorée.

Au nom de la libre disposition de son corps,

Des philosophes comme Elisabeth Badinter jugent que la prostitution doit être maintenue. On ne peut pas reconnaître le droit à l’avortement et en même temps contester le droit à faire commerce de son corps loué un temps pour procurer du plaisir sexuel. Tout repose sur l’idée qu’il y a pour chacun un principe absolu de libre disposition de son corps. La question demeure celle de la présence du libre consentement.

Pour Geneviève Fraisse, dans la prostitution, il ne peut pas s’agir de consentement. L’asservissement est intériorisé et accepté. La philosophe étaye son observation sur le fait que l’histoire a montré des esclaves qui n’ont aucun souhait de changer, l’actualité a révélé des immigrés clandestins qui disent se satisfaire de leur travail dans des conditions insupportables. Voilà à  quoi conduit la misère : à la résignation mutée en souhait.

Au nom du féminisme, et du respect des personnes, il faut abolir la prostitution.

Il est vrai que l’Etat n’a pas à s’ingérer dans la sexualité des gens, mais il a le devoir de garantir la liberté des personnes (donc de poursuivre toutes les formes d’asservissement). Il a fait la promesse aussi, à chaque citoyen, de soutenir l’égalité et la fraternité.

De la fraternité, il peut y en avoir, puisque l’on sait que les prostituées ont quelquefois de la tendresse à offrir à des frères de misère, misère, personnelle, misère sociale. Mais dans les rapports avec le client et surtout le proxénète, s’infiltre souvent  de la violence.

Quant à l’égalité, il semble difficile de l’imaginer dans un rapport de commerce où les corps sont  en jeu.

Le jour où toutes les personnes prostituées pourront exercer dans un libre consentement, on en reparlera.