Stérilisation précoce volontaire chez les femmes non mères

déesse de Willendorf paleolithique supérieur - 24 000 - 2200 avant notre ère

déesse de Willendorf paleolithique supérieur – 24 000 – 2200 avant notre ère

 

contraception permanente et définitive pour des jeunes femmes qui ne veulent pas être mères.

De la stérilisation en masse imposée par un système politique voulant enrayer la surpopulation de leur pays jusqu’à la demande libre et volontaire faite à un gynécologue par des jeunes femmes n’ayant pas mis au monde d’enfant, quel écart !

Stérilisation imposée ou conseillée

Elle est envisagée par des régimes qui, voulant limiter la surpopulation, incitent les femmes et les hommes, souvent des milieux défavorisés comme en Inde ou de tous milieux comme en Chine, à accepter ou subir la stérilisation. Il existe aussi la stérilisation conseillée par le corps médical protéger une femme d’une grossesse qui serait compromettante pour sa vie.

La stérilisation demandée librement

Or, des jeunes femmes décident de ne pas être mères. Les voici certaines de leur choix au point de demander à leur gynécologue une intervention simple qui leur assurera la stérilité. Elles seront ainsi libérées de toute vigilance à la contraception, des échecs possibles et des effets sur le corps d’une absorption chimique à long terme. Elles veulent un acte définitif. Cet acte revêt une portée symbolique forte.

La loi française de 2011 permettant l’accès à une stérilisation pour les nullipares – celles qui n’ont pas accouché – est passée inaperçue, peut-être à cause du contexte éthique au sein d’une société se préparant à des combats dans l’idée de permettre ou interdire la PMA aux couples homosexuels. Cette loi de 2011, scandaleuse pour certains, ceux qui pensent la maternité comme aboutissement de la féminité, prolonge la possibilité qu’avaient les mères de demander une stérilisation si elles ne voulaient pas encourir le risque d’un enfant surnuméraire.

La réflexion des femmes qui demandent une stérilisation précoce dans un webdocumentaire.

Quatre étudiantes de Sciences PO, Hélène Rocco, Sidonie Hadoux, Alice Deroide, Fanny Marlier ont voulu comprendre ces jeunes femmes en demande de stérilisation précoce. Elles ont monté un film documentaire autour des témoignages de trois d’entre elles ; je suis intervenue comme l’une des personnes ayant réfléchi sur le sujet.

http://www.lesinrocks.com/inrocks.tv/jai-decide-detre-sterile-le-webdocumentaire-sur-la-sterilisation-volontaire-des-femmes-qui-ne-veulent-pas-etre-meres/

Parmi celles que nous rencontrons dans ce film, deux femmes ont réalisé la stérilisation ; la troisième entreprend les démarches. Des experts alimentent la réflexion : historienne, gynécologues, philosophe, psychologue.

Les enquêtrices abordent la question avec humanité, douceur, impartialité. On ne demande jamais aux femmes de se justifier. Remarque d’importance : dans les témoignages la référence au corps surgit, évidente, point d’achoppement de tout argumentaire. Elles ne veulent pas d’enfant de tout leur corps. De même, quelquefois, des femmes ont envie d’un enfant de tout leur corps.

Avec cette stérilisation, ces femmes qui n’ont pas connu la maternité disent protéger leur corps de toute déformation, intrusion et séparation au moment de l’accouchement. Les femmes qui ne veulent pas d’enfant et ne songent pas à une stérilisation, se préoccupent aussi du corps ; mais jamais jusqu’au point atteint par ces jeunes femmes en demande de contraception définitive.

Cette focalisation sur le corps est bien compréhensible :

Se faire stériliser : un passage à l’acte, moment crucial qui marque un avant et un après dans le corps et s’inscrit dans un temps précis. Dans le principe, l’acte est définitif, bien que si par la suite elle change d’avis, elle puisse alors avoir recours à la PMA. D’ailleurs, le médecin peut proposer à la femme, si elle le souhaite, de congeler ses propres ovocytes.

La stérilisation concerne le corps. Le cheminement qui conduit à la décision s’inscrit aussi dans le corps. J‘en perçois deux :

Les unes voient leur corps en lieu d’harmonie. Elles refusent à l’intérieur d’elles-mêmes un corps étranger. Surtout ne pas connaître avec l’accouchement la rupture entre soi et la partie de soi devenue un enfant. Comme si elles gardaient un peu de la nostalgie des premiers moments de la vie, le sentiment de ne faire qu’un avec leur mère. Or, puisque faire un enfant c’est aussi s’en séparer, elles préfèrent vivre leur corps comme un lieu d’harmonie, sans jamais en passer par l’effraction et la séparation. Ces femmes tournées à l’âge adulte par une recherche d’harmonie, de paradis perdu – chose que tout le monde connaît – se réalisent pleinement dans des expériences qui agrandissent l’intériorité : un amour très fort, une recherche artistique, intellectuelle, spirituelle, la communion avec la nature. À se donner avec passion à leur quête, elles se sentent comblées.

Pour d’autres, la stérilisation découle de cette certitude : leur corps est source d’énergie. Elles ont éprouvé cela vers quatre ans, alors qu’elles souhaitaient faire de leur père un objet d’amour, leur mère étant rivale. Le désir. Lutter, mobiliser son énergie, pour obtenir ce que l’on souhaite. Devenues adultes, certaines femmes ont l’impression de risquer perdre avec la maternité une part de leur force et de leur indépendance. Leur bonheur tient aux échanges avec le monde. Elles veulent s’augmenter elles-mêmes à travers l’action. Business women, femmes éprises de leur liberté.

La stérilisation, acte symbolique de nouvelle naissance

Il faut quatre mois de réflexion après la première demande au gynécologue. Puis, l’acte est concrétisé avec une légère intervention dans le corps, (la pose d’une sorte de petit ressort dans les trompes), à une date précise. De même pour un accouchement. C’est donc comme une naissance symbolique que s’offre la femme venue au projet de stérilisation. Elle ouvre pour elle-même grandes, les portes de l’intériorité ou des échanges avec le monde qui la grandissent.